Sans EUX, PAS de NOUS. Nous ne venons pas de cigognes : l’évidence qu’on oublie

Nous n'avons pas été amenés sur cette terre par des...cigognes.
Nous le savons tous
Sans une longue lignée de survivants, d’amours, de drames et de joies, vous ne seriez même pas en train de lire ceci, tout comme je ne serais pas là à écrire.
Nous le savons tous
Et pourtant, à l'heure où nous parlons (à nouveau) de plus en plus de transmission, d’identité, de sens… on oublie souvent de revenir à ses origines et de dire merci à ceux qui nous ont portés jusqu’ici.
Et si on n’était pas tombés du ciel ?

Je suis généalogiste. Depuis des années, je plonge dans les archives, j’écoute le silence des vieux papiers, je remonte le fil du temps, je retrouve avec un immense plaisir des "ancêtres" et j'inscris avec joie dans un arbre généalogique, leurs noms, prénoms et tout autre information concernant leurs vies. Leurs "vraies" vies.
L'espace d'un instant, j'ai le sentiment de leur avoir donné la place qui leur revient dans leur lignée, dans cette immense chaîne humaine ascendante comme...descendante.
Pourtant, parfois, j'ai le sentiment que les descendants de cette généalogie (recherchée pour eux), ne réalisent pas toujours l'importance d'avoir mis leurs ancêtres à l'honneur... avant qu'ils ne tombent définitivement dans l'oubli.
Par ailleurs, je me heurte même parfois à la même surprenante réalité : l’indifférence massive des vivants envers leurs morts.
Beaucoup ne savent pas le prénom de leurs arrière-grands-parents. Pire : beaucoup s’en fichent. Surtout chez les moins de 50 ans.
Je ne jette pas la pierre. Le monde va vite, trop vite. Il faut être dans l’action, dans le présent, dans la performance, l'urgence, dans la survie également parfois.
Mais une chose me turlupine. Une évidence toute simple, que l’on semble avoir oubliée :
Nous n’existerions pas sans ceux qui nous ont précédés.
Un seul grain de sable, et nous ne serions pas là

Faire de la généalogie, c’est explorer l’incroyable chaîne humaine dont nous sommes le résultat. C’est toucher du doigt à quel point notre présence ici est fragile, improbable, miraculeuse. Un grain de sable et hop...effet papillon.
J’en ai fait l’expérience moi-même. En remontant ma propre généalogie, je suis tombée sur un article de presse du XIXe siècle, parlant d’une ancêtre directe. Elle avait… tenté d’empoisonner son mari.
Rien que ça.
Et devinez quoi ? Lui aussi était mon ancêtre.
Heureusement (ou malheureusement, selon le point de vue 😅), elle a échoué. Le couple a eu des enfants après cet épisode, dont… mon aïeul direct.
Si elle avait réussi son coup ce jour-là, je ne serais pas là pour vous écrire ces lignes.
Notre naissance tient souvent à un fil, à une minute de trop, à un grain d’arsenic en moins.
Ils ont été des milliers avant nous.

L’idée que nous venons de quelque part, qu’un "nous" ait été rendu possible par des "eux", semble aujourd’hui secondaire. Voire inutile.
Mais chaque être humain vivant aujourd’hui est le fruit d’une succession ininterrompue d’êtres vivants ayant, à un moment donné, survécu, aimé, migré, fui, espéré, et enfanté.
Et sans l’un d’entre eux, rien n’aurait été possible.
Alors pourquoi, parfois (souvent), cette indifférence ?
Pourquoi cette absence de curiosité ?
Pourquoi ce désintérêt pour ceux qui, littéralement, nous ont portés jusqu’à la ligne de départ ?
Et si on les honorait, tout simplement ?
Certains peuples perpétuent le culte des ancêtres. Ils les invoquent, les célèbrent, les honorent. Pas comme une superstition, mais comme un lien vivant, un devoir de mémoire affectif.

Par Bamiboi — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=88808537
Chez les peuples d’Afrique de l’Ouest, comme les Bamiléké du Cameroun ou les Akan du Ghana, le culte des ancêtres est profondément enraciné dans la vie quotidienne. On garde un autel familial, on parle aux défunts, on leur fait des offrandes pour qu’ils continuent de veiller sur les vivants. Ce n’est pas vu comme un "passé révolu", mais comme une présence invisible mais active, un lien sacré entre générations.

Par Jakub Hałun — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=47028132
Au Japon, la fête de l’Obon (盆) est un moment fort de l’année, durant lequel les familles accueillent symboliquement les esprits de leurs ancêtres à la maison. On nettoie les tombes, on prépare des mets spéciaux, on allume des lanternes pour les guider. C’est un moment de respect, de mémoire et de gratitude – un rendez-vous avec ceux qui ont permis notre vie.
En France, nous avons bien un moment dédié aux défunts : la Toussaint, suivie du Jour des morts (2 novembre). Mais cette tradition tend à devenir un simple passage au cimetière, souvent vécu comme une formalité. Avec une grande implication affective certes mais pas vraiment... spirituelle. On nettoie une tombe, on dépose des chrysanthèmes, on a une forte pensée... puis on repart.
Une invitation, pas un reproche
Pour beaucoup, nous avons remplacé les ancêtres par les influenceurs, les archives par les algorithmes.
Et pourtant, dans un monde en quête de racines, de sens, d’identité… la réponse est peut-être à portée de notre propre arbre généalogique.
Je ne dis pas cela parce que je voudrais que tout le monde m’appelle pour faire sa généalogie. (Spoiler : tout le monde peut essayer par soi-même, et c’est même très enrichissant.)
Je dis cela parce que je suis profondément convaincue que reconnaître d’où l’on vient, c’est mieux comprendre qui l’on est.
... Et peut-être, mieux transmettre ensuite.
Comme l’écrivait Marcel Proust :
« On ne reçoit la vie que de ses ancêtres, mais on ne lui donne un sens qu’en les comprenant.

Les ancêtres ? Une chaîne humaine à ne pas rompre

Tu vis aujourd’hui, au présent, avec tes rêves et tes projets. Tu aimes, tu espères, tu construis.
Mais souviens-toi... tu n’es pas arrivé là par magie.
Un seul visage du passé, une seule main tendue dans l’histoire, une seule décision… et tu n’existerais pas.
Alors si tu lis ces lignes, prends une minute. Pense à tes ancêtres.
Pas besoin de les connaître tous. Mais n’oublie pas qu’ils ont existé, pour que toi, tu existes.
Peut-être qu’un jour, quelqu’un regardera aussi ton nom dans un vieil acte et dira :
« C’est grâce à lui. C’est grâce à elle. »
